Jimmy BUGHO, joueur de National 2 et Claire CELOTTO, joueuse de RĂ©gional 1 FĂ©minine, nous ont fait le plaisir de rĂ©pondre Ă nos questions sur le sujet de la lutte contre lâhomophobie dans le football. DĂ©couvrez leurs ressentis ci-dessous. âŹïž
Est-ce que lâhomosexualitĂ© dans le football est un sujet qui vous parle personnellement ?
Claire : « Câest un sujet qui me touche personnellement. Jâai pu voir les Ă©volutions positives au fur et Ă mesure des annĂ©es dans ma pratique avec les femmes. Cependant, cela nâa jamais Ă©tĂ© rĂ©ellement problĂ©matique chez nous, dans la pratique amatrice. Je crois quâil y a encore beaucoup de progrĂšs Ă faire concernant ce sujet dans le football chez les hommes. Chez eux, cela ne se dit pas, cela ne se montre pas. Selon moi, le foot renvoie encore Ă une certaine image de la virilitĂ© et quand on dit qu’on est homosexuel en tant que garçon, je pense que cela casse une certaine idĂ©e de la virilitĂ© associĂ©e Ă tort au football. »
Jimmy : « En effet, dans le football masculin, il nây a pas trop dĂ©volution importante, car mĂȘme si la plupart des personnes vont dire quâils lâacceptent, on remarque que ce nâest pas forcĂ©ment le cas quand cela est prĂ©sent. AprĂšs, le manque dâĂ©volution vient aussi du fait que les personnes continuent Ă se cacher, ce qui est totalement comprĂ©hensible quand on voit ce qui peut ĂȘtre dit ou fait Ă lâĂ©gard de quelquâun dâhomosexuel lorsquâil le dit ou le montre. Il faut savoir que le football fĂ©minin et masculin, câest en mĂȘme temps le mĂȘme sport, mais pas du tout la mĂȘme ambiance de vie, les filles, je pense sont plus ouvertes, plus empathique entre elles contrairement Ă nous les garçons qui mettent en avant leur virilitĂ©. Le fait dâavouer ĂȘtre homosexuel casse un peu les codes justement de virilitĂ© qui sâest créée au fur et Ă mesure du temps dans le football masculin et câest quelque chose qui pour le moment est trĂšs difficile Ă faire accepter dans un groupe, voir mĂȘme au sein dâun club. »
Quâest-ce que reprĂ©sente ce brassard pour vous ?
Jimmy : « Je suis assez libre et ouvert sur le sujet donc ça ne me gĂȘne pas que ce soit dâen parler ou de le porter. Ăa permettra peut-ĂȘtre de faire Ă©voluer les choses et surtout de permettre Ă ceux qui sâen cachent de pouvoir en parler. MĂȘme si en toute sincĂ©ritĂ©, pour ce qui est du football masculin, je pense que ça ne changera pas beaucoup mĂȘme si on essaye, c’est tellement compliquĂ©. On dirait limite que ce nâest pas le mĂȘme sport, le foot masculin encore autre chose quand il sâagit de ces sujets-lĂ , c’est un groupe de 25 / 26 gars avec souvent des gros egos dans le vestiaire donc si ça vient Ă se savoir dans le vestiaire, je pense que ça peut trĂšs mal se finir pour la personne en question. AprĂšs si tout le monde commence Ă en parler, les gens comme jâai dit vont pouvoir aussi moins se cacher et il suffit quâune ou 2 personnes et en particulier une star ose en parler, se montrer, ça pourra trĂšs certainement faire la diffĂ©rence. Car bon si c’est par exemple moi, je suis sĂ»r demain je suis mort je suis rayĂ© et aprĂšs mĂȘme, c’est sĂ»r que je ne finis pas la saison. »
Claire : « Oui, je suis dâaccord avec Jimmy, on aurait besoin dâune figure forte masculine dans le monde, qui soutienne la cause, qui en parle, qui ose se montrer pour faire avancer les choses. Il y en dĂ©jĂ quelques-unes chez les femmes, comme Megan RAPINOE qui se bat pour faire Ă©voluer les mentalitĂ©s et notamment lâacceptation de lâhomosexualitĂ©, partout et tout le temps. Cela Ă©tant, câest encore timide chez les stars fĂ©minines françaises par peur du âquâen dira-t-on ?â et de se faire briser leur carriĂšre. Seulement la gardienne de lâĂ©quipe de France, Pauline Peyraud-Magnin est âouatĂ©eâ publiquement. Dans le sport français, on est aussi moins politisĂ© que dans d’autres pays comme les Ătats-Unis. LĂ -bas, les joueuses se servent de leurs rĂ©sultats pour faire avancer leurs droits, comme demander l’Ă©galitĂ© salariale et elles lâont obtenue, enfin, alors quâelles ont depuis longtemps de meilleurs rĂ©sultats que les garçons et gĂ©nĂšrent leurs propres financements.

Pour en revenir au sujet, la thĂ©matique de lâhomosexualitĂ© devrait ĂȘtre un non-sujet. Pour moi, ça lâest. On ne devrait mĂȘme plus en parler publiquement, c’est la vie de chacun, c’est du domaine privĂ© et en mĂȘme temps ça ne devrait pas ĂȘtre un problĂšme d’en parler dans la vie de tous les jours, que ce soit pour une fille ou garçon. Puis, aujourdâhui, les genres sont fluides, dĂ©passant le clivage homo / hĂ©tĂ©ro. Malheureusement, la tolĂ©rance nâest pas encore de mise partout et il faut lutter pour lâĂ©galitĂ©. Ainsi, le combat passe par diffĂ©rentes actions pour obliger les mentalitĂ©s Ă changer. Ce brassard est symbolique. Cependant, mĂȘme si cela va dans le bon sens de la part de la FĂ©dĂ©ration, je suis perplexe quant Ă cette opĂ©ration qui arrive aprĂšs le refus de cette mĂȘme FĂ©dĂ©ration de le porter Ă la coupe du monde au Qatar.
De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, il y a encore beaucoup dâinĂ©galitĂ©s Ă combattre de part et dâautre. Chez les femmes, il sâagirait plus dâarriver Ă une Ă©galitĂ© rĂ©elle de traitement concernant le football. Chez les hommes, je pense quâen Ă©duquant les mentalitĂ©s des plus jeunes Ă la tolĂ©rance et lâempathie et en combattant les prĂ©jugĂ©s des adultes, on arriverait Ă plus de comprĂ©hension et de tolĂ©rance Ă lâĂ©gard des personnes non assimilĂ©es Ă la norme. »
Anecdote de Jimmy :Â
Jimmy : « Quand j’Ă©tais Ă Nantes en centre de formation, j’ai commencĂ© en U14 nationaux, on Ă©tait dans un centre de prĂ©formation et il y avait un joueur avec moi qui Ă©tait gay, il ne lâavait pas dit, ni montrĂ©, mais Ă un moment donnĂ©, il avait fait un bisou Ă un mec comme ça parce que je ne sais pas, il voulait faire un bisou. Et il Ă©tait capitaine en Ă©quipe de France Jeunes, mais ça sâest su et du coup, il a fait un burn-out Ă son jeune Ăąge. Ensuite, vers 15 ans, il est parti Ă Nice pour essayer de rebondir, mais une fois de plus, ça sâest su lĂ -bas, et donc Ă 16 ans, il a arrĂȘtĂ© le foot et voilĂ comment une carriĂšre peut ĂȘtre gĂąchĂ©e⊠Dans notre monde, ce nâest mĂȘme pas que tu es mis Ă l’Ă©cart, c’est beaucoup plus que ça, il y a du harcĂšlement, des insultes Ă tout-va, câest trĂšs malheureux. »